Inside cricket : match international féminin à Headingley entre l’Angleterre et la Nouvelle Zélande

Notre chroniqueur Yves Tripon est de retour et nous offre un article inside. L’occasion de voyager dans l’univers du cricket anglais, à travers la tenue d’un match international de cricket féminin à Headingley entre l’Angleterre et la Nouvelle-Zélande. Very good trip.

Headingley. Connaissez-vous Headingley ? Pour ma part, je n’y avais jamais mis les pieds et, disons-le, je ne savais même pas que ce lieu existait.

J’ai eu le plaisir de découvrir cet endroit le premier week-end de juillet. C’est là que se situe cet adorable terrain de cricket du Yorkshire County Cricket Club. Il s’y jouait un match ODI entre l’équipe d’Angleterre féminine et celle, tout aussi féminine, de Nouvelle-Zélande. Et nous étions venus y assister.

La rencontre fut remportée haut la main par une équipe anglaise indubitablement supérieure et de loin aux Néo-zélandaises. Au-delà des péripéties de ce match dont vous pouvez lire le compte-rendu sur l’excellent site cricinfo, ce qui nous a enchanté, ce fut l’ambiance générale dans le stade et en dehors.

Situé à 3,5 km du centre de Leeds, Headingley est le quartier étudiant de cette agglomération, la deuxième la plus peuplée d’Angleterre après Londres. Animée, vivante, elle regorge de restaurants, cafés, boites, tout en gardant un côté provincial discret. D’ailleurs, Leeds, aussi importante soit-elle, est une agglomération où se mêle aisément rural et urbain. On y respire le calme.

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Il n’empêche que Leeds est aussi un lieu culturel des plus animés. C’est là que le groupe Chumbawamba a installé ses pénates. Originaire de Burnley, dans le Lancashire de l’est, ses fondateurs ont franchi la « frontière » pour s’installer dans le Yorkshire occidental voisin. Je dis « frontière », car il s’agit bien de cela.

Géographiquement, d’abord. Entre les deux comtés se situent les « montagnes », usées, érodées certes, mais émaillées de falaises et de ravins rendant les routes parfois périlleuses, ce qui fait que les habitants de Burnley se rendent plus facilement à l’aéroport de Manchester plus éloigné de chez eux que de celui de Bradford-Leeds, mais infiniment plus simple d’accès.

Historiquement ensuite. C’est là que se déroula la plus sanglante guerre civile d’Angleterre, plus sanglante que la première révolution anglaise, celle des Deux Roses, en fait l’affrontement pour la couronne entre la famille des Lancastre du Lancashire et celle des York dans le Yorkshire entre 1455 et 1485. C’est au cours de cette guerre qu’en 1461 se produisit un événement exceptionnel au Moyen-Âge, et qui montre la violence de l’affrontement, contraire à tous les usages de l’époque, aux abords de la ville d’York : le massacre complet de l’armée vaincue, en l’occurrence celle des Lancastre. Le résultat : 28000 morts avec les moyens de l’époque. C’est là le genre d’événements qui reste, qu’on le veuille ou non, dans les mémoires, un peu à l’image du massacre des paysans alsaciens par les armées du duc de Lorraine lors de la guerre des paysans en 1525, qui survit à travers des plaisanteries de mauvais goût des Alsaciens à l’égard des Lorrains, ou encore celui de la Saint-Barthélémy à Paris.

Sportivement enfin. Essentiellement en cricket, car si le Lancashire regorge d’équipes de football professionnelles de haut niveau, au Yorkshire c’est essentiellement le rugby, principalement à XIII. Sur ce dernier point, si celui-ci l’a emporté longtemps localement sur le XV, c’est parce que ce dernier était amateur et le XIII professionnel. Comme au cricket (et partout ailleurs aussi), les amateurs étaient des privilégiés, aristocrates et grands bourgeois, qui n’avaient pas besoin de travailler pour vivre. Les ouvriers et les mineurs, eux, et le Yorkshire est très ouvrier encore aujourd’hui, fondèrent ainsi une ligue professionnelle, le rugby à XIII. Au cricket, par contre, dès le XVIII° siècle, amateurs et « professionnels » se trouvèrent mêlés, car les paris qui environnaient notre cher sport impliquaient d’aligner les meilleurs joueurs connus.

Cet obstacle professionnel/amateur n’existant pas sur le « pitch », la rivalité Yorkshire vs Lancashire ne pouvait qu’y trouver un endroit idéal.

Et, reconnaissons-le, le Yorkshire County Cricket Club y fut éminemment brillant. 31 titres de champion des comtés contre 9 au Lancashire CCC.

On comprend que, aussi moderne soit le stade de Headingley, quand on y entre, c’est par une porte à la grille ouvragée en l’honneur de Sir Leonard Hutton.

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Enfant du pays, né en 1916 à Pudsey entre Leeds et Bradford, Hutton marqua en une manche en 1938, face à l’Australie, 364 runs, score qui reste aujourd’hui le 6ème au monde et le premier en Angleterre. Blessé au bras au cours de la guerre, cela ne l’empêcha pas de continuer de briller à la batte, bien qu’il eut changé de ce fait son style. De milieu modeste, il était évidemment professionnel. Or, le poste de capitaine de l’équipe d’Angleterre était, hiérarchie sociale oblige, réservé à un « amateur ». En 1952, son talent et son autorité sur l’équipe était tel qu’on finit par lui confier le poste, car, comme l’a dit un certain général US devenu gouverneur du Japon, quand la tradition est mauvaise, on en change. Il fut aussi le deuxième joueur de cricket à être anobli en 1956. Auparavant, le grand gardien des règles du cricket, le MCC avait changé son règlement pour intégrer Hutton en tant que professionnel.

L’autre porte d’entrée porte le nom de Sutcliffe, Herbert de son prénom.

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Lui aussi était de Pudsey. Lui aussi fut un des plus grands cricketeurs anglais. Il avait 22 ans de plus. 20 ans en 1914, il participa à la guerre. Il fut le grand artisan des victoires de l’entre-deux-guerres du Yorkshire CCC. Il fut impliqué directement dans la détestable pratique dite du « body line », qui valut à son promoteur dans l’équipe anglaise, Douglas Jardine, d’être sacrifié comme victime expiatoire pour un type de jeu, qui créa une véritable crise diplomatique au sein du Commonwealth. Sutcliffe défendit Jardine jusqu’au bout. Sutcliffe fut aussi le mentor et partenaire de Hutton jusqu’en 1939, date à laquelle il fut mobilisé en tant que réserviste, ce qui mit fin à sa carrière sur le green. Contrairement à Hutton, mort dans le Surrey, Sutcliffe resta fidèle au Yorkshire jusqu’à sa mort dans le North Yorkshire.

On comprend aussi que le petit hôtel dans lequel nous logions arborait sur les murs de son escalier les photos des joueurs de cricket locaux, ainsi que celles des célébrités du cricket venus dormir le temps d’un match. Cet hôtel d’ailleurs avait un personnel respirant la gentillesse sans la servilité.

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C’est la même gentillesse que nous avons d’ailleurs rencontré tout le long de notre séjour. Du Fish and Chips où la serveuse découvrant que nous étions français s’est mise à nous expliquer qu’elle avait fait un court séjour en France, bien que ne parlant pas français, du supermarché où une vendeuse s’empressait de rassembler les quelques mots français qu’elle connaissait ou encore, dans un autre restaurant un serveur ravi de s’efforcer de parler le français qu’il avait appris à l’école, et des employés du stade.

Comment décrire l’ambiance d’un match de cricket, les gens venus en famille, la proximité entre le public et les joueuses, la bière (d’excellente qualité) qui circule sans pour autant provoquer de débordements ? Il est vrai que, comme je le disais plus haut, les néo-zélandaises se sont faites étriller, ce qui n’empêcha pas certains merveilleux coups de batte ou arrêts de volée de certaines d’entre elles. Et le public à chaque fois d’applaudir les beaux gestes. Nos voisins étaient un peu surpris et ravis de voir deux Français assister à un match de cricket. Mais les plus grands applaudissements, ce jour-là, n’eurent pas lieu à propos du match auquel nous assistions.

Le stade d’Headingley est en fait tout un complexe : hôtel, terrain de rugby à XIII attenant, diverses salles de réunion et un auditorium où manifestement, ce jour-là certains spectateurs étaient entrés pour assister, retransmis dans la salle sur grand écran, au match de football Suède Angleterre. De sorte que les applaudissements passaient sans cesse d’un match à l’autre et quand l’équipe de foot anglaise marqua son deuxième but, se qualifiant pour la demi-finale, nous eûmes droit à des cris d’enthousiasme venant à contre-courant d’un moment creux de la rencontre féminine de cricket Angleterre Nouvelle-Zélande.

Quand ce dernier match fut fini, nous partîmes en promenade aux alentours des tribunes et nous eûmes la surprise de voir la facilité avec laquelle il était possible d’aller parler aux joueuses dans une atmosphère détendue, aux antipodes de celle des terrains de foot français. Certes, le cricket est un sport qui a un rythme invitant à une certaine détente, même si les publics à travers le monde ne sont pas tous aussi détendus que celui d’Angleterre, mais on retrouve aussi dans ce pays ce rapport agréable à vivre dans d’autres sports. J’ai ainsi pu voir un match de foot du Leeds United à la télévision où des joueurs des deux équipes allaient directement serrer la main de leurs supporters à la lisière des tribunes sans qu’il ne vienne à l’idée d’aucun stadier de s’interposer.

Nous sommes sortis du stade heureux d’avoir passé une bonne journée. Étant donné le copieux breakfast qui nous avait été servis à l’hôtel, nous n’avions rien mangé à midi. Partis en quête d’un restaurant, nous croisâmes nombre de jeunes enthousiastes suite à la victoire anglaise en Russie, enthousiastes, mais aussi bien alcoolisés, alcoolisés mais non agressifs. Heureux.

Comme nous.

Quelques jours après notre retour en France, nous vîmes grâce à CricHD la rencontre Yorkshire Lancashire en County. Le Yorkshire, emmené par Joe Root, battit le Lancashire et son génial lanceur James Anderson. Encore une victoire de la Rose blanche sur la Rose rouge. Aux dernières nouvelles, il n’y eut aucun mort.

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