Aujourd’hui, Esprit du Cricket vous fait découvrir le film culte du cricket, Lagaan. Cette superproduction bollywoodienne, sortie en 2001 et dirigée par Ashutosh Gowariker, a débarqué il y a quelques mois sur Netflix en vostfr. Considéré comme le meilleur film existant sur le cricket, il était naturel que je me penche sur cette œuvre majeure de la culture cricket. Il me fallait juste 3h43, la durée du film, pour m’y mettre. Un trajet TGV Roissy/Montpellier m’a permis de m’y consacrer.
Lagaan raconte le conflit qui oppose des paysans indiens aux colons britanniques. Le lagaan est un impôt, prélevé sur les récoltes, que chaque village paie au Maharadjah pour sa protection. Mais sous la domination britannique, les colons demandent une partie de cet impôt pour protéger les royaumes de leurs adversaires et maintenir ainsi le joug de la couronne britannique. Une extorsion en somme.
En 1893, le petit village de Champaner est victime de la sécheresse depuis plusieurs années. La pluie ne venant pas, ils espèrent à nouveau être exonérés du lagaan. Malheureusement, le capitaine anglais Andrew Russell (Paul Blackthorne), commandant la garnison locale, demande le double de l’impôt au Maharadjah, forçant ce dernier a doublé le lagaan. Il souhaite ainsi humilier ce peuple qu’il méprise. La famine menace et l’un des villageois, Bhuvan (Aamir Khan), refuse d’abandonner face aux colons. Les péripéties de l’histoire vont conduire le capitaine Russell à proposer un pari autour d’un match de cricket entre la garnison et les villageois dans l’espoir de les humilier encore plus et de récupérer plus d’impôt.
Ici, le cricket semble être le prétexte à une lutte entre l’oppressé et son oppresseur, entre David et Goliath. En un sens, c’est vrai. Mais le choix du cricket n’est pas accessoire. Plus qu’un prétexte, c’est le lieu idéal entre le pays qui a créé ce jeu, le colon britannique, et le pays qui l’a porté au pinacle de la passion, pour devenir la première puissance du cricket, l’ancienne colonie, l’Inde.
Le film est à la fois l’histoire d’une lutte humaine, politique et sociale, et un film sportif. La première partie met en place les relations entre le colon britannique et l’Inde, les difficultés des villageois, le pari autour du cricket et l’apprentissage du jeu alors que l’équipe se réunit petit à petit, joueur par joueur, à mesure que les villageois se rebellent. La deuxième partie se consacre au match de cricket où se joue le destin de deux nations sur un terrain désertique perdu dans la campagne indienne.
S’il dure 3h43, le film ne connaît que peu de temps mort tant l’intrigue monte en pression jusqu’au match qui constitue une apothéose d’une heure. L’amoureux du cricket prend un grand plaisir à regarder ce match où les subtilités du jeu sont abordées (placement de la défense, choix des batteurs, courses, lanceurs rapides ou spin bowlers). À ce moment, on regarde un film sportif universel où l’outsider tente de renverser le favori. La première partie est également caractéristique de nombreux films de sport avec l’arrivée successive de joueurs, ayant des histoires, des personnalités et des capacités différentes, nourrissant l’idée que le sport est rassembleur, permettant aux individualités de se dépasser dans le collectif pour une cause juste.

Bien entendu, qui dit film de Bollywood dit chants et danses. Lagaan n’y échappe pas. On aime ou on n’aime pas. Certains passages musicaux sont entraînants. D’autres alourdissent le film, particulièrement les passages pleins de mièvrerie où le héros Bhuvan est pris entre deux amours, la belle jeune fille du village (Gracy Singh) et la belle jeune fille de la garnison. Néanmoins, hormis ces passages de comédie musicale, ce triangle amoureux amène une vraie épaisseur à l’histoire car le film, bien qu’exhalant les sentiments nationalistes, ne tombe pas systématiquement dans la facilité manichéenne du bon indien et du méchant colon. Chaque camp doit affronter ses propres turpitudes, y compris du côté indien avec un beau moment sur l’acceptation de la caste des Intouchables.
Le surgissement de sentiments entre Bhuvan, l’indian lover, et Elizabeth Russell (Rachel Shelley), sœur du capitaine, qui va enseigner le cricket aux villageois face à la conduite injuste de son frère, apporte un peu de finesse dans les relations entre indiens et britanniques. Les deux cultures ne sont pas systématiquement opposées. Elles trouvent parfois des points de rencontre dans le film même si tout l’intérêt réside dans la révolte d’une population opprimée. Le film dépeint également une Inde unie où des Indiens, hommes et femmes, Maharadjah et intouchable, hindous et musulmans, se battent ensemble. Une Inde qui peut paraître fantasmée, que l’on soit en 1893, 2001 ou 2018, mais le film fait de ce pays fantasmé une profession de foi pour les contradictions que doit gérer l’Inde d’aujourd’hui.

Comme les grandes fresques d’Hollywood, Lagaan mêle intelligemment l’action, le suspens, le romantisme, le discours politique, le drame, l’humour, avec ce twist supplémentaire de la comédie musicale made in Bollywood et porté par la qualité de l’interprétation des acteurs indiens et britanniques. Enfin, en situant son histoire en 1893, avec un imaginaire fantasque, Lagaan devient un conte. D’ailleurs, à l’international, le film est intitulé Lagaan : Once upon a time in India.
Lagaan est l’un des plus grands succès critique et commercial du cinéma indien, cumulant les récompenses et devenant le troisième film indien nominé à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. En France, malgré une sortie confidentielle, il cumulera 59 123 spectateurs en salle. Il retrouve avec Netflix une deuxième jeunesse et que l’on soit fan ou non de cricket, ce blockbuster de Bollywood mérite d’être vu. Mais si vous êtes fan de cricket, ce film sera tout simplement réjouissant. Un incontournable. Un film culte.
Lagaan (2001) de Ashutosh Gowariker
avec : Aamir Khan, Gracy Singh, Rachel Shelley, Paul Blackthorne,
Durée : 3h43
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