Entretien avec Isabelle Costaz, capitaine des Duchesses de Nantes et vice-capitaine des Dames de France

L’Esprit du Cricket part à la rencontre du cricket féminin français en compagnie d’Isabelle Costaz, capitaine de l’équipe des Duchesses du Nantes Cricket Club mais également vice-capitaine de l’équipe nationale, les Dames de France.

L’occasion de découvrir l’actualité d’une pratique féminine du cricket qui a réellement commencé son éclosion en 2011. Entre enthousiasme et difficultés, le cricket féminin français tente de se construire et de se pérenniser au niveau national tout en se frottant au niveau européen.

Loin du développement du sport féminin autour des sports majeurs tels que le football, le basket ou encore le tennis, le cricket féminin, aujourd’hui dans l’ombre, veut se faire une place dans le paysage sportif français, malgré les obstacles. Alors, cricket féminin français, où en es-tu ?

Isabelle, quel est ton parcours cricket ?

J’ai commencé à jouer au cricket en 2010. Mon mari et moi cherchions à pratiquer un second sport en parallèle de l’aviron. Il avait vu un match de cricket en Angleterre et s’était dit qu’il essaierait un jour. Par un concours de circonstance, il a appris qu’il existait un club de cricket à Nantes. Nous avons essayé, sommes revenus aux entraînements puis nous sommes inscrits au club. Ce sport avait l’air sympa, ludique, l’ambiance bon enfant.

Isabelle Costaz en pleine interview (mais pas la nôtre)
Isabelle Costaz en pleine interview (mais pas la nôtre)

Peux tu nous présenter les Duchesses et l’histoire de cette section féminine du Nantes CC ?

Le club a été créé en 2007 et la section féminine fin 2011. C’est notre entraîneur Andy German qui, après avoir monté le club et l’équipe masculine, s’est mis dans la tête de créer une section féminine. Cela allait de paire, il me semble, avec le développement de l’équipe des Dames de France (équipe nationale française, ndlr).

À force de persuasion auprès de ses amies et d’un recrutement lors des soirées passées au pub, un petite groupe de joueuses est venu essayer le cricket. J’ai fait de même de mon côté auprès de mon groupe d’amies. Chemin faisant, nous avons réussi à intéresser une douzaine de joueuses. Elles sont d’ailleurs à ce jour presque toutes encore inscrites au club. Chaque année le niveau progresse et nous avons ainsi réussi cette année à ce que 8 de nos joueuses intègrent l’équipe des Dames de France.

Comment s’est organisé le recrutement de l’équipe qui compte peu d’expatriées de « pays cricket », une rareté en France ?

Comme expliqué plus haut, le recrutement initial s’est fait lors de 2 manières : lors de soirées au pub et par le biais d’amies. Ensuite, chaque joueuse fait sa propre publicité auprès de ses collègues de travail ou d’amies. Il est vrai qu’à ce jour, étonnement, l’équipe ne compte aucune expatriée, si ce n’est une joueuse de Saumur avec laquelle nous jouons lorsque des matchs sont organisés et que nous pouvons nous retrouver. Notre équipe compte plutôt des adultes avec une moyenne d’âge de 32 ans.

Les Duchesses en tournée sur les Iles Britanniques
Les Duchesses en tournée sur les Iles Britanniques

Vous avez effectué une tournée britannique cette année. Que peux tu nous dire du cricket féminin outre-manche ?

Il semble lui aussi en cours de développement, mais à un stade beaucoup plus avancé que chez nous. Leurs équipes féminines de jeunes se développent et donneront à terme leurs futures équipes adultes. Lors des tournées, il n’est pas rare que nous jouions contre des équipes de jeunes, mais par exemple sur l’île de Wight, nous avons également joué contre des joueuses de nos âges.

Les Duchesses sont une équipe très dynamique. Quels sont les projets pour l’avenir de la section ?

Continuer de recruter chaque année car notre nombre reste limité (moins d’une quinzaine), ce qui nous pose problème parfois pour monter une équipe complète (une équipe de cricket compte 11 joueuses, ndlr). Continuer de motiver les joueuses avec des entraînements de qualité, des possibilités de matchs, voire de tournée. Recruter de jeunes joueuses pour les former serait également un plus pour l’avenir. Nous espérons également continuer à faire partie de l’équipe des Dames de France.

Tu es également la vice-capitaine de l’équipe nationale, les Dames de France. L’équipe est récente mais semble avoir rapidement progressé au vu des résultats de ces deux dernières années ? Quelles sont les ambitions des Dames de France ?

L’année 2014 s’est soldée par une belle troisième place au tournoi européen de Berlin. Ce fut une expérience très réussie autant du point de vue sportif qu’individuel et personnel. Malheureusement, le résultat de cette année a été moins bon avec une quatrième place, mais surtout l’impression de n’avoir pas assez progressé en comparaison des autres équipes présentes. Notre vivier de joueuses en France est bien trop limité et nos rencontres de préparation trop peu nombreuses. Il faut voir sur le long terme et réussir à étoffer le nombre de joueuses au sein des clubs.

Je me fais du soucis pour l’année à venir, notre capitaine de l’Equipe de France et de l’équipe de Thoiry ayant déménagée hors de France (il s’agissait de Mark Moodley, ancien directeur sportif de France Cricket, association gérant le cricket français, parti vivre de nouvelles aventures en Australie, ndlr)), le club de Thoiry risque d’avoir quelques difficultés cette année pour se restructurer au niveau de l’équipe féminine qui reste l’équipe avec laquelle nous jouons le plus souvent puis vient le PUC. Si nous voulons réussir notre prochain tournoi européen, il nous faut continuer à progresser durant cette année.

Il faut également être réaliste, nous devons faire avec ce dont nous disposons et réussir à garder la bonne ambiance dans cette équipe. Pour moi, nous sommes au début de l’histoire de l’équipe des Dames de France, espérons que de jeunes et nouvelles joueuses arrivent vite à se mélanger à nous pour qu’elles puissent à terme créer une équipe de France avec plus de moyens et d’ambition.

Les Dames de France à Jersey durant l'été 2015
Les Dames de France à Jersey durant l’été 2015

Le cricket féminin français est très récent et il existe peu d’équipes. Est-ce difficile pour les joueuses d’avoir si peu d’occasion  de jouer des matchs face à d’autres équipes ?

Oui, actuellement on ne joue que contre l’équipe de Thoiry ! Nous espérons que le PUC puisse recréer une équipe à son tour et une équipe se monte à Châteauroux. Nous manquons surtout de pratique en extérieur, dans les vraies conditions de jeu. Nous organisons quelques matchs avec des équipes hommes en leur demandant d’aligner des joueurs dont le niveau serait approprié au nôtre pour que tout le monde s’amuse. Il y a également la tournée, mais elle ne concerne pas tout le monde pour des raisons de disponibilités et de budget.

À ton avis, quels sont les besoins du cricket féminin français en terme de développement et pour atteindre un meilleur niveau de jeu ?

À mon sens le développement du cricket féminin passe par celui du cricket  masculin. Je vois mal une équipe féminine se monter toute seule sans l’aide de joueurs pratiquant, donc d’une équipe masculine.

Ensuite, idéalement des adolescentes et étudiantes s’intéressent à ce sport, elles sont formées durant quelques années et en créant plusieurs équipes on arrive à générer une dynamique. On peut également s’adresser à un public d’adultes, les deux publics pouvant cohabiter. Il faut garder un côté ludique à ce sport pour assurer l’intérêt des joueuses qui sont souvent assidues et appliquées.

Le sport féminin connaît un regain d’intérêt depuis quelques années. Le ressentez-vous aux Duchesses auprès du grand public, des collectivités locales ou des sponsors, surtout à Nantes, une des villes les plus sportives de France ?

Pas vraiment, le cricket reste très peu connu et le nombre d’adhérents restant faible, nous n’avons que peu de poids vis-à-vis des autres sports. Mais nous avons toujours été bien accueillies lorsque nous avons contacté les collectivités locales et des initiatives tournées vers le sport féminin se sont effectivement développées ces dernières années.

Si tu devais convaincre des femmes de pratiquer le cricket, que leur dirais tu ?

Venez essayer, vous vous amuserez très vite. C’est un sport très varié, on lance, on batte, on cours, on peut faire gardienne et il ne faut pas grand chose pour apprécier le jeu. Les progrès sont souvent rapides et il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre.

 

Parfois, le cricket féminin s'invite dans les médias... trop rarement pour l'Esprit du Cricket !
Parfois, le cricket féminin s’invite dans les médias… trop rarement pour l’Esprit du Cricket !

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