Derrière la double victoire des West Indies au WT20, une histoire du cricket féminin

Yves Tripon nous propose un road trip à travers la planète cricket. Partant de la fin de match incroyable entre les West Indies et l’Angleterre en finale de la coupe du monde T20 Homme et de la victoire des West Indies féminine juste avant contre l’Australie, il nous emmène à la découverte du cricket féminin, évoquant les changements de format des matchs de cricket et nous éclairant sur sa pratique dans le sous-continent indien.

Un voyage très instructif pour en savoir plus sur l’univers du cricket.

Les Antilles sur le toit du monde – Fantastiques équipes des West Indies

Il reste 6 lancers. Les West Indies sont à la batte et doivent marquer 19 points pour gagner. À chaque coup de batte, on ne peut marquer au maximum que 6 points, pas plus en renvoyant la balle directement en dehors du terrain. Si la balle sort après avoir touché le terrain, c’est 4 points. Il faut donc que le batteur caribéen, Carlos Brathwaite marque au moins 5 quatre ou 4 six.

Le lanceur anglais, Ben Stokes, est un lanceur lent, c’est-à-dire qu’il ne tire pas en force. Il joue avant tout sur l’effet qu’il donne à la balle et non sur la vitesse. Dans ce genre de situation, c’est le meilleur choix. Les Anglais ont choisi comme lanceur pour ce dernier over, le meilleur d’entre eux à ce type de lancer. Il sait que Brathwaite n’a pas le choix : il doit frapper fort. Alors Stokes lui envoie une balle bien pourrie…

Et Brathwaite batte. La balle s’élève et… sort directement du terrain. Il ne manque plus que 13 points en 5 balles. Les deux savent que, malgré cela, l’Angleterre est toujours à deux doigts de remporter la Coupe du Monde de Twenty20 2016.

Stokes délivre sa deuxième balle, lente à souhait, coupée à souhait et Brathwaite batte. La balle s’élève et… pour la deuxième fois elle sort directement du terrain. Cette fois, il ne manque plus que 7 points en 3 balles. Stokes semble paralysé, incrédule. Il lui faut remonter dans ses souvenirs pour avoir encaissé deux six d’affilée.

Il reprend ses esprits. Mais, on le voit dans son regard, il a peur, peur de refaire la même erreur. Il sait que si Brathwaite marque un troisième six, l’Angleterre a perdu. Il ne manquera plus aux West Indies qu’un petit point à marquer en 3 balles, ce qui n’est rien. Mais il sait aussi qu’il est excessivement rare de marquer 3 six d’affilée. Il le sait, mais il reste tendu.

Stokes fait les quelques pas d’élan de tout lanceur lent. Et Brathwaite batte… et l’impensable se produit : la balle sort directement du terrain. Un six ! L’Angleterre a perdu. C’est certain.

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Stokes reste assis atterré, désespéré. Cinq minutes plus tôt, il n’avait plus qu’à limiter les dégâts et, maintenant, il est là, sur le gazon, à se dire que ce n’est pas possible, que c’est impossible. Et pourtant, c’est arrivé. Et c’est arrivé à lui. Il est seul, terriblement seul. Il a tout le poids de la défaite de l’Angleterre sur ses épaules. Il voudrait disparaître. Et pourtant, il doit boire le vin jusqu’à la lie. Les arbitres lui apportent la balle. Il a dépassé le temps autorisé entre deux lancers. Mais ils ne lui disent rien.

Et il se lève, prend son petit élan et envoie la balle sans y croire. Et Brathwaite place un quatrième six. Mais ça n’a plus d’importance. Ses coéquipiers viennent le consoler. Mais eux aussi sont amers.

Les joueurs caribéens envahissent le terrain viennent féliciter Brathwaite, mais aussi Samuels, le grand Samuels, qui a porté toute l’équipe, marquant 85 des 161 points des West Indies.

Et ils font le tour du terrain rejoints par l’équipe féminine, qui viennent, quant à elles, de remporter la coupe du monde féminine sur le même terrain contre l’Australie, quelques heures auparavant, l’Australie qui avait remporté les trois dernières éditions de l’épreuve et passait pour invincible.

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Le cricket et les femmes

L’Australie, la terre du cricket, l’Australie où près de 70 % des habitants disent avoir joué au moins une fois dans l’année au cricket, l’Australie, où le cricket est le sport qui compte le plus de licenciés, l’Australie où de très nombreux cricketeurs et cricketeuses font aussi d’autres sports, et parfois à de hauts niveaux comme c’est le cas pour la joueuse de l’équipe nationale, Ellyse Perry, également footballeuse, l’Australie fut une des premières, avec l’Angleterre, à organiser un championnat spécifiquement féminin. Il n’est donc pas surprenant que, de coupe du monde en coupe du monde, on retrouve parmi les meilleures lanceuses et les meilleures batteuses, systématiquement des Australiennes.

Cette Coupe du monde n’y a pas dérogé. Elles ont les deux meilleures lanceuses et seules les Antillaises des West Indies leur tiennent la dragée haute. Par contre, du côté des batteuses, elles ont perdu les deux premières places au profit de Stafany Taylor (West Indies) et Charlotte Edwards (Angleterre). Cela dit les 3e, 4e et 5e places sont australiennes.

La Coupe du Monde féminine a ceci de particulier qu’elle est un bon révélateur de la place faite aux femmes dans le cricket, mais au-delà dans la société.

Le cricket a cette particularité que les femmes peuvent jouer avec les hommes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’au début du XIXe siècle, les règles du lancer sont passées de l’envoi au ras du sol (comme à un jeu de boules) à celui à hauteur de la taille, puis par-dessus l’épaule. En effet, les robes que portaient les femmes alors les empêchaient de se pencher pour faire rouler la balle, d’où la tolérance, puis l’établissement de la règle du lancer à hauteur de la taille. La conséquence immédiate fut la modification de la batte, qui passa de la forme d’une crosse de hockey à celle de la batte actuelle. Il ne restait plus qu’à faire le pas vers le lancer par-dessus l’épaule, ce qui eut lieu vers les années 1830-1840.

Mais, en fait, le XIXe siècle devait refouler les femmes hors des stades et le cricket, tout en gardant officiellement le principe de mixité, devint essentiellement masculin dans la réalité. À la fin du XIXe siècle, les femmes amoureuses du cricket forment en Australie et en Angleterre les premiers clubs spécifiquement féminins, ces messieurs leur refusant toute entrée dans les leurs. Par la suite, le jeu féminin se répand en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande, aux West Indies, au Danemark et aux Pays-Bas. Se créent, à la suite des clubs, des fédérations, des « boards ». Les premières rencontres entre l’Australie et l’Angleterre, à l’image des Ashes masculins, ont lieu en 1934. Et en 1958, se forme l’IWCC, le Conseil International du Cricket Féminin par les fédérations féminines d’Australie, d’Angleterre, des Pays-Bas, de Nouvelle-Zélande et d’Afrique du Sud. De nombreux autres pays, par la suite, la rejoignent.

Les femmes jouent au cricket depuis le 18ème siècle.
Les femmes jouent au cricket depuis le 18ème siècle.

Elle permet l’organisation de plusieurs rencontres internationales et encourage celle de compétitions nationales. En juin 1973, elle organise en Angleterre la toute première coupe du monde avec l’équipe d’Angleterre, l’Angleterre junior, l’Australie, la Jamaïque, Trinidad et Tobago et un XI international avec des joueuses néo-zélandaises et sud-africaines, car, du fait de l’apartheid régnant en Afrique du Sud et en Rhodésie (l’actuel Zimbabwe), l’IWCC avait refusé d’inviter les fédérations de ces pays. Jusqu’en 2000, ce sont sept éditions qui furent organisées.

Mais, dans l’ensemble, la plupart du temps pour des raisons financières, peu de pays y étaient représentés. Ces questions d’argent étaient telles que dès les années 1990, une fédération féminine comme celle du Pakistan fut amenée, pour survivre, à fusionner avec le Board pakistanais. Malgré cela, l’IWCC parvint à étendre le cricket féminin dans l’ensemble des pays du sous-continent indien. Mais les années 2000 montrèrent que les limites d’un cricket féminin à part avaient été atteintes. Même des fédérations comme la WCA anglaise, pourtant particulièrement développée, n’arrivait plus à joindre les deux bouts et dès 1997 s’était associée à l’ECB, le Board anglo-gallois.

Les frais d’hébergement d’équipes internationales, les indemnisations de joueuses non-professionnelles, l’entretien d’un personnel administratif conséquent, etc., tout cela concourrait à prendre la solution pakistanaise et se tourner vers l’International Cricket Council, l’équivalent de la FIFA pour le cricket, chose faite en 2005 après la huitième coupe du monde féminine. L’ICC intégrait le cricket spécifiquement féminin et créait pour ce faire un Comité du Cricket Féminin.

Une nouvelle coupe du monde put donc être organisée avec des moyens autrement plus puissants dès 2009. Le format fut celui du Twenty20 et non plus celui de l’ODI ou One Day International.

Dès le départ, les coupes du monde de l’IWCC avaient rompu avec le cricket classique sans overs limités, bien plus simple à organiser et infiniment moins onéreux. Les équipes féminines suivaient en cela l’évolution du cricket.

Les nouvelles formes de cricket

Si, jusque au début des années 1950, les rencontres en cinq jours à overs illimités et en deux manches attiraient les foules. Une certaine désaffection s’était faite jour avec l’apparition et le développement de la télévision. Cette dernière diffusait plus facilement en Angleterre le football et en Australie le football australien, dont la durée convenait infiniment davantage à l’organisation de ses programmes. Les chaînes alors n’étaient alors pas très nombreuses et ni les sociétés de télévision privées ni celles publiques étaient prêtes, même en Australie, à financer une chaîne spécialisée dans le cricket, ce qu’exigeait la retransmission en direct des matchs.

À cela, on peut ajouter le fait qu’aussi bien en football et en football australien, les équipes étaient locales, voire de quartiers, alors que le cricket opposait des équipes de comtés, voire de provinces en Australie. L’attachement des spectateurs à « leur » équipe était et est beaucoup plus tripal dans ces sports qu’au cricket.

Durée des matchs et liens de plus en plus distendus avec le public, surtout en Angleterre, car en Australie le cricket est à peu près l’équivalent du baseball aux USA, mettait en péril l’existence même du cricket.

On tenta, surtout en Australie, de réduire le nombre de jours (jusqu’à 3), à la fois afin de réduire les coûts et d’obtenir un minimum de diffusion. Mais c’est d’Angleterre que vint une solution viable : des matchs à overs limités en une seule manche.

Le premier eut lieu les 1er et 2 mai 1983 à Manchester, dans le stade de cricket d’Old Trafford situé juste en face de celui de l’équipe de foot de Manchester United. Le Lancashire (comme il se doit) l’emporta sur le Leicestershire. Le match dura deux jours. Pour qu’il ne dura plus qu’une journée, il suffisait de réduire le nombre de jeux (overs). On passa ainsi à 60, puis 50, voire 40 dans certains championnats au fur et à mesure que la formule se répandit à travers le monde.

Le magnifique terrain de cricket d'Old Trafford n'a rien à envier à son voisin du football - Copyright Paul Heyes Photography Limited. Emitates Old Trafford, Manchester. Day One of the Third Investec Ashes Series, England v Australia. Picture by Paul Heyes, Thursday August 01, 2013.
Le magnifique terrain de cricket d’Old Trafford n’a rien à envier à son voisin du football – Copyright Paul Heyes Photography Limited.

Si certes ce format permit le retour des spectateurs venant passer une journée en famille au cricket, la télévision le diffusait comme elle le faisait pour le tennis : de façon limitée et assez rarement en direct. Cette situation devait totalement changer avec l’explosion médiatique des années 1980-1990 et la floraison de nombreuses chaînes privées rendue possible par la révolution technologique informatique.

En 2002, la grande compétition de cricket en un jour, sponsorisée par une marque de cigarettes depuis 1972, opposant les équipes de comté, s’achevait. La fédération anglaise eut les plus grandes peines à en trouver un autre. C’est alors que germa l’idée d’une formule à 20 overs, réduisant ainsi les matchs à environ 3 heures, soit une soirée.

Le 13 juin 2003, les Lions du Surrey battaient les Bears (ours) du Warwickshire devant 27509 spectateurs, du jamais vu depuis 1953. Le succès fut donc immédiat. Sky Television consacra dès lors un de ses canaux, le deuxième, presque exclusivement au cricket et se mit même à diffuser du cricket classique à overs illimités.

En fait, l’organisation par l’Angleterre de la coupe du monde ODI chez elle en 1999 avait déjà suscité un énorme élan d’enthousiasme, qui avait provoqué une mise aux enchères de l’exclusivité des droits de retransmission télévisée. Sky l’avait emporté haut la main, ce d’autant que la BBC avait contesté le principe de l’exclusivité, qui l’empêchait de retransmettre la moindre image de match, même en différé. C’est ainsi que les compte-rendus de la chaîne publique se font avec… photos. Il en va de même pour toutes les autres chaînes de télé implantées en Angleterre comme Al Djazirah, par exemple.

La formule Twenty20 se répandit à travers le monde entier comme une trainée de poudre. Elle permettait à des équipes nationales réduites, voire sans championnat, comme l’Afghanistan, de jouer à relativement peu de frais. C’est ainsi que des championnats continentaux purent être organisés en combinaison avec une série de divisions mondiales réservées aux équipes non-test, c’est-à-dire n’ayant pas les moyens d’organiser des matchs à overs illimités, dits match-test, (professionnels, infrastructures techniques et administratives, public, etc.) permettant l’accession à un tournoi de qualification à la coupe du monde. En cas de réussite, cela donnait l’occasion à ces petits pays de se confronter aux grosses nations tests du cricket, qualifiées automatiquement.

La première de ces coupes du monde eut lieu en 2007 en Afrique du Sud. Il fallut attendre 2009 pour les femmes. Les deux coupes se jouent simultanément dans le même pays organisateur. C’est cette simultanéité qui donne un reflet de l’inégalité hommes-femmes dans ce domaine.

Le mauvais résultat de l’Angleterre féminine en 2010 doit être pris pour ce qu’il est : une contre-performance, étant donné sa victoire de 2010 et le fait qu’en 2012 et 2014 elle était demi-finaliste. Par contre, pour le Pakistan et le Sri Lanka, jamais l’équipe féminine n’est parvenue en demi-finale. L’Inde, hormis 2009 et 2010, est dans la même situation.

Ce n’est pas tant l’expression d’une mauvaise volonté de la part des fédérations du sous-continent (l’ICC encourage financièrement le développement du cricket féminin dans les différentes fédérations) que la situation de la femme dans ces pays.

Le cricket dans le sous-continent indien : entre fric et pouvoir

Si le cricket y est très populaire, si tous les enfants et adultes en Inde y jouent, c’est sans équipement, avec des battes souvent en très mauvais état, des piquets improvisés, des pistes en terre ou en goudron, des balles récupérées et totalement usées, etc. Les clubs ne sont accessibles qu’aux couches les plus aisées. Les classes sociales les plus pauvres, soit la grande masse des ouvriers agricoles, paysans, petits artisans, vendeurs à la sauvette, employés de petits commerçants, n’ont pas les moyens même d’assister aux matchs. Et parmi les classes supérieures, la caste des parias se trouve les plus grandes difficultés pour pouvoir entrer en club.

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Quand on regarde l’origine sociale des joueurs, on s’aperçoit que ceux issus des milieux les plus pauvres ont au minimum des parents évoluant dans la petite-bourgeoisie ou cadres de l’administration privée ou d’État. Ils ne roulent pas forcément sur l’or, mais cherchent à pousser leurs enfants à grimper dans l’échelle sociale. Et le cricket est un bon moyen. Devenir joueur professionnel, même sans être une star, c’est acquérir puissance et prestige ouvrant des portes à tous les membres de la famille. C’est aussi soutenir toute une partie de la famille dans le besoin.

Car, quand on parle de famille, c’est de famille élargie qu’il s’agit. C’est ainsi que la tentation est parfois grande d’accepter de tricher comme l’ont fait de jeunes joueurs pakistanais lors d’une tournée en Angleterre. Et les paris sur les matchs, pas seulement sur le résultat final, mais sur la situation de telle équipe au bout de tant d’overs, par exemple, abondent à travers toute l’Inde. Interdits au Pakistan et au Bangladesh, ils se font quand même via l’Inde. Toute une série de matchs truqués ont ainsi frappé la compétition fermée de l’Indian’s Premier League et la fédération indienne.

C’est dans ce cadre que le cricket féminin tente d’exister. Ses membres sont elles aussi issues des classes supérieures, mais elles doivent souvent imposer à leur famille le fait simplement de jouer. Quant au public, il est rarement au rendez-vous. Ainsi, la finale de la coupe du monde féminine de Twenty20 à Calcutta, s’est déroulée devant un stade plus qu’à moitié vide, un dimanche en fin d’après-midi. Une heure plus tard, il était plein pour la finale homme.

Maintenant, il convient de ne pas trop généraliser non plus. Ainsi, au Bangladesh, depuis quelques années, le cricket féminin est fortement soutenu par la fédération et toute une nouvelle génération de jeunes joueuses compose désormais l’équipe nationale. Ce soutien touche aussi le cricket masculin et on voit progressivement s’élever le niveau de l’ensemble du cricket bangladeshi. En plus de l’ICC, l’État met aussi la main à la poche.

Le Bangladesh connaît une industrialisation forcenée sinon sauvage et l’incendie d’une usine textile où des centaines de jeunes femmes sont mortes brûlées vives en témoigne. Les syndicats sont quasiment interdits et les grèves violemment réprimées. La corruption règne à tous les étages et les travaux nécessaires pour endiguer les inondations catastrophiques et récurrentes attendent toujours d’être exécutés. Dans ce cadre, faute de pain, l’État offre des jeux, de quoi attirer les investisseurs. Mais, comme dans tout le reste du sous-continent, les cricketeurs et cricketeuses viennent du même milieu social favorisé.

Le Pakistan comme les autres mais en différent…

On peut quand même cité un cas à part, celui du Pakistan. Les clubs de cricket y sont légion. Dans toutes les grandes villes du pays, il y en a plusieurs dizaines. Plusieurs centres de formation permettent à des enfants sans le sou de toucher le « bag green » et, pour certains, de devenir professionnels. Mais ceux-ci forment une minorité, car beaucoup, par nécessité, abandonnent le cricket pour gagner leur vie.

C’est aussi ce souci de former qui amena un certain nombre de joueurs de l’équipe nationale à organiser dans les années 1980 des matchs de cricket dans les camps de réfugiés afghans. Ce travail se poursuit encore aujourd’hui et l’équipe nationale d’Afghanistan a ainsi pu être créée, alors qu’aucun championnat n’existe encore à ce jour dans le pays, équipe nationale qui se classe aujourd’hui parmi les meilleures nations non-test du monde. Par contre, du côté des femmes, les choses furent infiniment plus dures.

L’idée d’organiser une équipe nationale germa en 1996. En 1997, le gouvernement pakistanais décréta l’interdiction faite aux femmes de faire du sport en public et interdit à la toute nouvelle équipe féminine de rencontrer l’Inde. Le résultat fut une manifestation sous forme de marathon d’hommes et de femmes que la police réprima, suivi d’un deuxième qui réussit à s’imposer. Pour le cricket féminin, la fusion avec la fédération pakistanaise et le soutien que celle-ci lui apporta, non sans oppositions internes et tentatives d’en finir avec l’autonomie des femmes, permit de faire reculer le gouvernement, qui autorisa finalement les matchs féminins à la condition que les maillots portés soient à manche longues, que les pantalons ne révèlent pas les formes féminines et que les spectateurs masculins ne puissent pas y assister. « Cachez ce sein que je ne saurais voir ».

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À cette pression étatique s’ajoutait celle des « ultra-religieux » et leurs menaces de mort. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que la première victoire en coupe du monde ODI n’ait eu lieu que douze ans plus tard en 2009. Et encore, à cette époque le niveau restait très bas. Mais elles avaient du courage et si, en ODI, le chemin restait long, en Twenty20, l’année suivante, les Pakistanaises remportaient leur premier trophée aux Jeux Asiatiques en Chine. Il faut préciser que, hormis le Bangladesh, elles formaient la seule équipe d’une nation test en compétition. Cette victoire reçut un énorme écho au Pakistan où le président d’alors déclara : « C’est un cadeau à la nation qui traverse une série de crises. » On était désormais loin de l’interdit de 1997. En 2012, elles échouaient en finale contre l’Inde en coupe d’Asie. Aux yeux du public pakistanais, le cricket féminin a donc conquis ses lettres de noblesse même s’il lui reste encore beaucoup à progresser.

Bonus : au sujet de l’équipe nationale féminine de cricket du Pakistan, relire notre interview de la lanceuse et capitaine Sana Mir.


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